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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 5.djvu/13

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Ainsi qu’une ombre s’évapore…
Et la mer se confond aux cieux.

Alors, lentement dans la foule,
Meurt le dernier cri du départ ;
Silencieuse, elle s’écoule
En s’interrogeant du regard.
Puis l’ombre, à son tour descendue,
Occupe seule l’étendue.
Rien sur la mer, rien sur le port ;
Au bruit monotone de l’onde,
Pas un bruit humain qui réponde :
L’univers fatigué s’endort !

Les ans passent, et leur silence
N’est interrompu quelquefois
Que par un long cri qui s’élance,
Proféré par cent mille voix.
On a, sur un lointain rivage,
Trouvé les débris d’un naufrage…
Vaisseaux, volez sur cet écueil !
Les vaisseaux ont revu la France ;
Mais les signes de l’espérance
Sont changés en signes de deuil !

Hélas !… combien de fois, trompée,
La France reprit son espoir !
Tantôt, c’est un tronçon d’épée
Qu’aux mains d’un sauvage on crut voir ;
Tantôt, c’est un vieil insulaire
Séduit par l’appât du salaire,
Qui se souvient, avec effort,
Que d’étrangers d’une autre race
Jadis il aperçut la trace
Dans une île… là-bas… au nord.

Que fais-tu loin de ta patrie,
Qui t’aimait entre ses enfants,
Lorsque, pour ta tête chérie,
Elle a des lauriers triomphants ?