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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 5.djvu/15

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS


CXIII


Le peintre Lethière. — Madame Hannemann. — Gohier. — Andrieux. — Renaud. — Desgenettes. — Larrey, Augereau et la momie d’Égypte. — Les soldats de la nouvelle école. — Mon éducation dramatique. — Je passe dans les bureaux forestiers. — Le cabinet aux bouteilles vides. — Trois jours hors du bureau. — Comparution devant M. Deviolaine.

Cependant, comme je l’ai dit, j’étais devenu maître de ma soirée, je n’avais plus de portefeuille, et je profitais de ma liberté pour courir un peu le monde.

Ma mère s’était souvenue d’un ancien ami de mon père, et, à tout hasard, nous étions allés lui faire une visite. Celui-là appartenait à la bonne catégorie, et nous reçut à merveille ; — c’était le fameux peintre Lethière, auteur de Brutus condamnant ses fils, héroïsme qui m’avait toujours semblé un peu Spartiate, mais qui m’a été expliqué, depuis, par la Lucrèce de M. Ponsard.

M. Ponsard a révélé le premier ce grand mystère conjugal, que les fils de Brutus étaient, non pas les fils de Brutus, mais seulement les enfants de l’adultère : en leur faisant trancher la tête, Brutus ne se dévoue pas, il se venge !

M. Ponsard, comme on le voit, mérite d’être non-seulement de l’Académie, mais encore des Inscriptions et Belles-Lettres.

Cet ancien ami de mon père était donc l’auteur du beau tableau de Brutus condamnant ses fils.

Il avait fait un portrait de mon père au moment où un de ses chevaux tombe tué sous lui par un boulet ; en outre, mon père lui avait servi de modèle pour son Philoctète de la chambre des députés.

La réception fut bientôt faite : il nous ouvrit les deux bras ; nous embrassa, ma mère et moi ; nous invita à regarder sa maison comme la nôtre, et particulièrement le jeudi, jour où notre couvert nous attendrait toujours à sa table.