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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 5.djvu/159

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

presque à un degré égal le nom des choses et celui des hommes.

Je vais copier exactement le procès-verbal de cette étrange séance, sans ajouter foi le moins du monde à aucune des prédictions faites par l’enfant, prédictions que je verrais, je l’avoue, s’accomplir avec le plus grand regret, et que je ne puis attribuer qu’à l’état fébrile dans lequel le sommeil magnétique avait jeté son cerveau.

Je conserve aux pages suivantes la forme du dialogue et les termes mêmes dans lesquels il eut lieu.

— Dans quel état social, à cette heure, sommes-nous, mon enfant ?

— Monsieur, nous sommes en république.

— Pouvez-vous dire ce que c’est que la république ?

— C’est un égal partage des droits entre tous les hommes qui composent un peuple, sans distinction de rang, de naissance ni de conditions.

Nous nous regardâmes, étourdis de ce début ; les réponses avaient été faites sans hésitation aucune, et comme si elles eussent été apprises d’avance.

Je me retournai vers la mère.

— Irons-nous plus loin, madame ? lui demandai-je.

Elle était immobile, presque muette.

— Oh ! mon Dieu ! dit-elle, j’ai peur que ce ne soit une fatigue bien grande pour la pauvre enfant que de répondre à de pareilles questions, si fort au-dessus de la portée de son âge et de son esprit ; puis, je vous l’avoue, ajouta-t-elle, la façon dont elle y répond m’épouvante.

Je me retournai vers l’enfant.

— Le sommeil magnétique vous fatigue-t-il, Marie ?

— Aucunement, monsieur.

— Vous croyez donc, pouvoir répondre à mes questions avec facilité ?

— Sans doute.

— Cependant, ces questions ne sont pas de celles qu’on adresse à un enfant de votre âge.

— Dieu permet que je les comprenne.

Nous nous regardâmes de nouveau.