— Continuez, dit la mère.
— Continuez, dirent avec curiosité tous les assistants.
— L’état dans lequel nous sommes s’affermira-t-il ?
— Oui, monsieur, il durera plusieurs années.
— Est-ce Lamartine ou Ledru-Rollin qui le consolidera ?
— Ni l’un ni l’autre.
— Alors, nous aurons un président ?
— Oui.
— Et, après ce président, qui aurons-nous ?
— Henri V.
— Henri V ?… Mais vous savez bien, mon enfant, qu’il est exilé !
— Oui, mais il rentrera en France.
— Comment cela, rentrera-t-il en France ? est-ce par la force ?
— Non, c’est du consentement des Français.
— Et par où rentrera-t-il en France ?
— Par Grenoble.
— Se battra-t-il pour y rentrer ?
— Non, il viendra en Italie ; de l’Italie, il passera en Dauphiné, et, un matin, on dira : « Henri V est dans la citadelle de Grenoble. »
— Il y a donc une citadelle à Grenoble ?
— Oui, monsieur.
— La voyez-vous ?
— Oui, sur une hauteur.
— Et la ville ?
— La ville est au bas, dans le fond.
— Y a-t-il une rivière dans la ville ?
— Il y en a deux.
— Leurs eaux sont-elles de la même couleur ?
— Non, il y en a une blanche et une verte.
Nous nous regardâmes avec plus d’étonnement encore que la première fois. Marie n’avait jamais été à Grenoble, et l’on ignorait si, éveillée, elle connaîtrait même de nom la capitale du Dauphiné.
— Mais êtes-vous bien sûre que ce soit le duc de Bordeaux qui soit à Grenoble ?