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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 5.djvu/177

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

— Monseigneur connaît le Médecin malgré lui.

— Oui, je l’admire fort.

— Eh bien, dans le Médecin malgré lui, Sganarelle dit qu’il y a fagot et fagot.

— Et vous voulez dire, vous ?

— Qu’il y a usurpation et usurpation.

— Bah !

— Oui, monseigneur.

— Je ne comprends pas ce que vous voulez dire.

— Je veux dire — et monseigneur, qui a l’esprit si juste, comprendra facilement cela — qu’il y a l’usurpation qui substitue violemment une dynastie à une autre dynastie, qui brise toutes les racines que cette dynastie avait dans le pays, tous les intérêts qui se rattachaient à elle, qui laisse, soit dans l’aristocratie, soit dans la bourgeoisie, soit dans le peuple, une large plaie longtemps saignante, lente à se cicatriser, et l’usurpation qui substitue purement et simplement un homme à un homme, une branche verte à une branche desséchée, une popularité à une impopularité ; — voilà ce que j’entends, monseigneur, par mes deux usurpations.

Le d’Orléans étendit la main en souriant vers moi, comme pour m’arrêter ; mais néanmoins, me laissant finir :

— Monsieur Dumas, me dit-il, c’est là une question un peu bien subtile, et, si vous voulez y avoir une réponse, il faut la poser à un concile, et non à un prince du sang…

— Au reste, vous avez raison pour le portrait ; je mettrai Napoléon Bonaparte.

Je saluai et me retirai dans la bibliothèque.

Le duc resta pensif dans la galerie.