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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 5.djvu/181

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS


Je ne suis pas fort à mon aise :
Ma mairie est un petit coin ;
Et mon trône une simple chaise
Qui me sert en cas de besoin ;
Mes habits ne sentent pas l’ambre ;
Mon équipage brille peu ;
Mais que m’importe ! un pot de chambre
Suffit bien pour un maire d’Eu !

On vante partout ma police ;
Ce qu’on fait ne m’échappe pas.
À tous je rends bonne justice ;
J’observe avec soin tous les cas.
On ne peut ni manger ni boire
Sans que tout passe sous mes yeux ;
Mais c’est surtout les jours de foire
Qu’on me voit souvent sur les lieux.

Grâce aux roses que l’on recueille
Dans mon laborieux emploi,
Je préfère mon portefeuille
À celui des agents du roi.
Je brave les ordres sinistres
Qui brise leur pouvoir tout net ;
Et, plus puissant que les ministres,
J’entre, en tout temps, au cabinet.

Je me complais dans mon empire ;
Il ne me cause aucun souci ;
J’aime l’air que l’on y respire ;
On voit, on sent la mer d’ici !
Partout l’aisance et le bien-être ;
Ma vie est un bouquet de fleurs…
Aussi j’aime beaucoup mieux être
Maire d’Eu que maire d’ailleurs !

Beau château bâti par les Guises,
Mer d’azur baignant le Tréport,
Lieux où Lauzun fit des bêtises,
Je suis à vous jusqu’à la mort ;