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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 5.djvu/194

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

partisans de cette grande période de guerre qui dura plus d’un quart de siècle.

Il est bien entendu que nous ne comparons pas le noble et loyal Charrette au brigand calabrais ni au bandit espagnol.

Charrette fut fusillé ; Fra Diavolo, pendu ; Juan Martin, garrotté.

Après la pacification de la Vendée, le lieutenant, devenu capitaine, quitta la Loire pour le Rhin, la guerre civile pour la guerre étrangère, et fut attaché à l’état-major de Moreau, avec lequel il fit la campagne de 1796 ; puis il passa en Italie, appelé à servir dans le corps d’armée de Masséna.

À propos de mon père, j’ai dit quelle antipathie Bonaparte avait pour ces officiers qui lui arrivaient tout illustrés des armées de l’Ouest, des Pyrénées ou du Nord. Le capitaine Sigisbert Hugo va nous en offrir un nouvel exemple.

Le jour de la bataille de Caldiero, chargé par Masséna de tenir avec sa compagnie la tête du pont, il avait été le pivot sur lequel avait tourné toute la bataille ; Masséna crut pouvoir, en récompense de ce magnifique fait d’armes, nommer le capitaine Hugo chef de bataillon.

Il avait compté sans la haine du général en chef.

Bonaparte demanda d’où venait le capitaine Hugo, et, quand il sut que c’était de l’armée du Rhin, il cassa la nomination.

Du reste, le roi Louis-Philippe fit à peu près au général la même injustice que Bonaparte au capitaine : le nom de la bataille de Caldiero est sur l’arc de triomphe de l’Étoile, et le nom du général Hugo n’y est pas.

Le poëte s’est vengé de cet étrange oubli par le dernier vers de sa dernière strophe à l’arc de triomphe de l’Étoile :

Quand ma pensée ainsi, vieillissant ton attique,
Te fait de l’avenir un passé magnifique,
Alors, sous la grandeur je me courbe effrayé ;
J’admire ! et, fils pieux, passant que l’art anime,
Je ne regrette rien devant ton mur sublime,
Que Phidias absent, et mon père oublié !