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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 5.djvu/226

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS


regarde la Nouvelle-Castille ; puis l’on descendit vers la campagne de Madrid.

La campagne de Rome est fauve, tigrée, resplendissante, de soleil, vivante, si l’on peut parler ainsi, malgré sa solitude.

La campagne de Madrid est nue, aride, grise et semblable à un cimetière.

Sur les limites de cette plaine s’élève l’Escurial, pareil à un tombeau. C’est l’effet qu’il fit à Hugo, qui le visita trente-cinq ans avant moi.

L’Espagne m’accueillit livrée à la conquête ;
Je franchis le Bergare où mugit la tempête ;
De loin, pour un tombeau, je pris l’Escurial,
Et le triple aqueduc vit s’incliner ma tête
Devant son front impérial.

De l’Escurial à Madrid, le convoi se déroula comme un long serpent ; une seule fois on coucha en route : ce fut à Galapagar. — Le lendemain, à six heures du soir, on était à Madrid. À peine entré dans les rues, chacun se débanda tout joyeux de n’être plus soumis à la discipline militaire.

Madame Hugo prit congé du duc de Cotadilla, du colonel Montfort et de ses quarante Hollandais ; puis le colonel du Saillant la conduisit au palais des princes de Masserano, qui lui était destiné.

Le général était dans son gouvernement de Guadalaxara ; nous verrons plus tard ce qu’il y faisait.

Le palais Masserano était situé calle de la Reyna.

C’était une immense construction du xviie s. dans toute sa splendeur et toute sa sévérité, sans jardin, mais avec une foule de petites cours carrées, dallées en marbre, ayant un jet d’eau au milieu, dans lesquelles on ne pénétrait que par des espèces de poternes, où le soleil n’arrivait jamais, et qui, profondes de quarante ou cinquante pieds, et juste assez larges pour qu’un loup pût tourner autour du jet d’eau, n’étaient