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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 5.djvu/227

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

rien autre chose que des réservoirs d’ombre et de fraîcheur.

À l’intérieur, autant que se le rappelle Victor, ce palais était d’une magnificence inouïe. La salle à manger surtout, garnie sur ses quatre faces d’une grande vitrine, étalait, dans toute sa hauteur, d’admirables dessins de Fra Bartolomeo, de Velasquez, de Murillo, de Sébastien del Piombo, de Léonard de Vinci, de Raphaël et de Michel-Ange.

Cette salle à manger donnait dans un vaste salon tendu de damas bleu, lequel donnait, enfin, dans ce que l’on appelait la chambre de la princesse, immense, tapissée et meublée en lampas bleu et argent.

De l’autre côté de la salle à manger, après avoir traversé une antichambre ayant pour tout ornement des coffres de chêne destinés à servir de sièges aux domestiques ; on entrait dans une immense galerie où était la collection des portraits, en pied et en grand costume, des comtes de Masserano, puis des princes du même nom, dont le principat, d’ailleurs, ne remontait pas au milieu du xviie siècle.

C’est dans ces grandes galeries que les enfants jouaient, avec les fils du général Lucotte, à cache-cache, — dans des salles de cent cinquante pieds de long, et dans des vases de Chine et de faïence de six pieds de haut !

Le soir, on passait le temps sur un grand balcon d’où l’on regardait la comète, dans laquelle on pouvait voir distinctement, disaient les prêtres espagnols, la Vierge donnant la main à Ferdinand VII.

Un matin, arriva une escorte de cavaliers westphaliens accompagnant un messager du général Hugo.

Ce messager apportait une lettre.

Le général ne pouvait venir à Madrid, occupé qu’il était à guerroyer sur les bords du Tage.

Le but principal de la lettre était d’indiquer le collège où devaient être placés les trois enfants.

Ils devaient être placés dans le séminaire des Nobles, d’où ils sortiraient pour entrer dans les pages.

On n’y entrait d’ordinaire qu’à treize ans ; mais, quoique Abel n’en eût que douze, Eugène que dix, et Victor que huit, on faisait une ex-