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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 5.djvu/253

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

qu’à Bordeaux ; assurer des places jusqu’à Blois, c’était risquer que la malle fût vide de Blois à Bordeaux.

Cependant, cette faveur que sollicitait Victor, un homme pouvait l’accorder, c’était. M. Roger, le directeur des postes.

M. Roger était presque un homme de lettres ; M. Roger était de l’Académie ; il était possible qu’il fît pour Victor Hugo ce que Victor Hugo désirait.

Victor se décida à monter chez M. le directeur général des postes.

L’huissier annonça le poëte.

Au nom de Victor Hugo, déjà fort célèbre à cette époque surtout par l’ode qui avait paru sur la mort de Louis XVIII, ode que nous avons citée en partie, M. Roger se leva, et vint au poëte avec toute sorte de démonstrations d’amitié.

Il va sans dire que sa demande relativement à la propriété exclusive de la malle-poste jusqu’à Blois lui était accordée d’avance.

Mais M. Roger, ayant cette bonne fortune de tenir le poëte, ne voulut point le lâcher ainsi ; il le fit asseoir, et l’on causa.

— Pardieu ! dit M. Roger faisant surgir cette exclamation au milieu de la causerie, savez-vous d’où vous vient votre pension de douze cents livres, mon cher poëe ?

— Mais, répondit Victor en souriant, elle me vient probablement en rémunération du peu que j’ai écrit.

— Ah bien ; oui ! reprit le directeur des postes ; voulez-vous que je vous dise, moi ; d’où elle vous vient ?

— Mais oui, vous me ferez plaisir, je l’avoue.

— Vous rappelez-vous la conspiration de Saumur ?

— Sans doute.

— Vous rappelez-vous un jeune homme nommé Delon, qui fut compromis dans cette conspiration ?

— Parfaitement.

— Vous rappelez-vous lui avoir écrit, ou plutôt avoir écrit à sa mère une lettre dans laquelle vous offriez au proscrit la moitié de la chambre que vous occupiez, rue de Mézières, n° 10 ?