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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 5.djvu/252

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

« Madame,

» J’apprends que votre fils est proscrit et fugitif ; nos opinions sont opposées, mais c’est une raison de plus pour qu’on ne vienne pas le chercher chez moi.

» Je l’attends ; à quelque heure du jour ou de la nuit qu’il arrive, il sera le bienvenu, certain que je suis qu’aucun refuge ne peut-être plus sûr pour lui que cette part de ma chambre que je lui offre.

» J’habite dans une maison sans portier, rue de Mézières, n° 10, au cinquième. Je veillerai à ce que, nuit et jour, la porte reste ouverte.

» Veuillez agréer, madame, l’hommage de mes sentiments les plus respectueux.

» Victor Hugo. »

Cette lettre écrite, naïf comme un enfant qu’il était, le poëte la mit à la poste.

À la poste ! une lettre adressée à la mère d’un homme que toute la police pourchassait !

Puis, la lettre mise à la poste, à chaque crépuscule tombant, Victor sortait explorant les environs, et croyant voir Delon dans chaque homme jasant les murs.

Delon ne vint pas.

Mais ce qui vint, à son grand étonnement, sans qu’il eût fait aucune démarche pour cela, ce fut une pension de douze cents livres, dont l’auteur des Odes et Ballades reçut un matin, dans sa petite chambre de la rue de Mézières, le brevet signé de Louis XVIII.

Le brevet ne pouvait arriver mieux ; le poëte venait de se marier.

Le 13 avril 1825, Hugo se présente à l’hôtel des postes, pour retenir les trois places de la malle pour lui, sa femme et une servante. Il allait à Blois.

Son désir était que ces trois places fussent assurées d’avance.

Malheureusement, c’était chose difficile : la malle allait jus-