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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 5.djvu/266

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

éternel, qui traversa la salle, répondant à tous les saluts, à tous les souhaits, à tous les hommages, par un grognement sourd dans lequel il était impossible de distinguer un seul mot articulé.

C’était le vainqueur du Trocadero ! le pacificateur de l’Espagne !

Il n’en fit pas plus pour madame du Cayla que pour les autres. Peut-être, si quelque courtisan lui eût soufflé qu’il y avait là un grand poëte, se fût-il arrêté et eût-il regardé pour voir quelle espèce d’animal c’était.

Aucun courtisan ne prévint monseigneur le dauphin, et monseigneur le dauphin passa sans s’arrêter.

Presque aussitôt, Charles X passa à son tour, avec l’air aussi gracieux et aussi souriant que son fils avait l’air grotesque et rechigné. Il salua madame du Cayla de la voix ; Michaud et Victor, de la main ; les autres, de la tête, et entra dans son salon d’audience.

Une seconde après, on appela madame la comtesse du Cayla.

Sans s’inquiéter depuis quel temps elle attendait, ni si elle était venue avant les autres visiteurs, le dernier des rois chevaliers faisait passer la femme la première.

Madame du Cayla resta une heure environ avec le roi. Ce n’était pas trop pour accoucher d’un ministère qui lui-même, un an plus tard, devait accoucher de la révolution de juillet.

Puis, quand madame du Cayla se fut retirée, on appela le poëte. Après s’être souvenu qu’il était le successeur de François Ier, Charles X se rappelait qu’il était le descendant de Louis XIV.

Le poëte entra.

Laissons-lui raconter à lui-même cette remarquable entrevue :

C’était le sept août. — Ô sombre destinée !
C’était le premier jour de leur dernière année !