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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 5.djvu/288

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Mademoiselle Mars et Joanny Étaient chargés des rôles principaux.

C’étaient de puissants auxiliaires ; mais ce n’étaient pas précisément ceux qu’il nous eût fallu. Mademoiselle Mars et Joanny étaient un peu empruntés sous des habits qui, poétiquement, n’étaient pas faits à leur taille. Mademoiselle Mars, charmante femme de l’Empire, spirituelle, légère, fine, gracieuse, mordante, n’avait rien de la mélancolique, douce et naïve maîtresse du More ; et Joanny, avec son nez retroussé à la Odry, avec ses gestes sans grandeur et sans majesté, n’avait rien du sombre et terrible amant de Desdémona.

Le rôle d’Iago, que Ducis avait remplacé par celui de Pezarre, comme on remplace une jambe de chair et d’os par une jambe de bois, était échu à Perrier, et allait paraître au grand jour, ou plutôt à la grande lumière, pour la première fois.

On attendait donc impatiemment cette représentation ; mais, en attendant cette solennité, qui, ainsi que nous l’avons dit, allait avoir lieu au Théâtre-Français, une autre représentation se préparait à l’Odéon, et elle avait pour moi une double importance, car c’était celle de la Christine à Fontainebleau de Frédéric Soulié.

La Christine de M. Brault, morte quelques jours après sa naissance, comme je l’ai dit en son lieu et place, avait disparu sans laisser trace aucune.

L’Odéon venait de se réorganiser sur de nouvelles bases. Harel, que nous avons vu apparaître chez Hugo pour lui enlever Marion Delorme par surprise, venait d’être nommé directeur de l’Odéon, en remplacement, je crois, d’Éric Bernard.

Il avait ouvert le théâtre par eeles États de Bloisee, de Lucien Arnault, qui n’avaient eu qu’un succès médiocre, malgré le luxe avec lequel l’ouvrage avait été monté ; et, homme de presse, habile à manier le triple élément qu’on appelle le feuilleton, l’entre-filet et la réclame, Harel battait bruyamment la caisse à propos de la Christine à Fontainebleau de mon ami Soulié.

Je n’avais pas revu Frédéric depuis ce soir où nous nous