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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 5.djvu/314

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Quand il voyait Georges couchée sur son canapé au milieu de ses chiens bien peignés, bien lavés, avec leur collier de maroquin au cou, il soupirait d’ambition.

Car Harel avait une ambition qu’il avait manifestée bien souvent, et qui n’avait jamais été satisfaite : — c’était d’avoir un cochon !

À son avis, saint Antoine était le plus heureux des saints, et il était, comme lui, prêt à se retirer au désert, si la Providence daignait lui accorder le même compagnon.

La fête d’Harel approchant, nous résolûmes, Georges, et moi, de combler les modestes désirs d’Harel ; nous achetâmes, moyennant vingt-deux livres tournois, un cochon de trois à quatre mois ; nous lui mîmes une couronne de diamants sur la tête, un bouquet de roses au côté, des nœuds de pierreries aux pattes, et, le conduisant majestueusement comme une mariée, nous entrâmes dans la salle à manger, au moment où nous crûmes l’heure venue de faire à Harel cette douce surprise.

Aux cris que poussait le nouvel arrivant, Harel abandonna à l’instant même la conversation de Lockroy et de Janin, si attachante qu’elle fût, et accourut vers nous.

Le cochon tenait à la patte un compliment qu’il présenta à Harel.

Harel se précipita sur son cochon, — car il devina du premier coup que ce cochon était à lui, — le serra contre son cœur, se frotta le nez à son groin, le fit asseoir près de lui sur la grande chaise de Popol, le maintint sur cette chaise avec une écharpe à Georges, et se mit à le bourrer de toute sorte de friandises.

Le cochon, baptisé séance tenante, reçut d’Harel — qui déclara contracter envers lui les obligations d’un parrain envers son filleul — le nom euphonique de Piaff-Piaff.

Dès le même soir, Harel se retira à son second étage avec Piaff-Piaff, et, comme nul ne s’était préoccupé du coucher de l’animal, Harel s’empara d’une robe de velours à Georges, et lui en fit une litière.

Cela amena, le lendemain, entre Georges et Harel, une grande