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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 5.djvu/313

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

les coques des amandes, et, amandes et boutons, jeta le tout par la fenêtre de la rue.

Georges se coucha sans songer aux boutons, et s’endormit tranquillement ; ce qu’elle n’eût pas fait, toute philosophe qu’elle était, si elle eût su que son domestique avait jeté par la fenêtre pour vingt-quatre mille francs de diamants.

Le lendemain, Georges cadette entra dans la chambre de sa sœur, et la réveilla.

— Eh bien, lui dit-elle, tu peux te vanter d’avoir une chance, toi ! regarde ce que je viens de trouver.

— Qu’est cela ?

— Un de tes boutons.

— Et où l’as-tu trouvé ?

— Dans la rue.

— Dans la rue ?

— C’est comme je te le dis, ma chère… dans la rue, à la porte… Tu l’auras perdu en rentrant du théâtre.

— Mais non, je les avais en soupant.

— Tu en es sûre ?

— À telles enseignes, que, comme ils me gênaient, je les ai ôtés et les ai mis près de moi. Qu’en ai-je donc fait après ?… où les ai-je serrés ?…

— Ah ! mon Dieu, s’écria Georges cadette, je me rappelle : nous mangions des amandes, le domestique a nettoyé la table avec la brosse…

— Ah ! mes pauvres boutons ! s’écria Georges à son tour, descends vite, Bébelle ! descends !

Bébelle était déjà au bas de l’escalier. Cinq minutes après, elle rentrait avec le second bouton : elle l’avait retrouvé dans le ruisseau.

— Ma chère amie, dit-elle à sa sœur, nous sommes trop heureuses ! Fais dire une messe, ou, sans cela, il nous arrivera quelque grand malheur.

Nous avons parlé de la malpropreté d’Harel ; elle était de notoriété publique, et lui-même en prenait une espèce d’orgueil ; homme de paradoxe, il s’amusait à faire des amplifications sur cette triste supériorité.