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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 5.djvu/47

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Tout ce monde-là s’en retournait patriarcalement à pied, accompagné de cinq ou six amis qui, comme moi, allaient rue de Vaugirard prendre une tasse de thé et grignoter un gâteau.

En ma qualité d’étranger, j’eus le poste d’honneur, c’est-à-dire que je donnai le bras à madame Waldor. Vu la longueur de la route, c’était un moyen de faire connaissance.

Au reste, ne nous étant jamais vus, ne nous étant jamais parlé, ce long trajet n’eût pas été sans embarras pour nous deux, si Delanoue ne se fût mis en tiers dans la conversation, de la place du Palais-Royal à la rue de Vaugirard.

Ce fut un grand service qu’il rendit à chacun de nous, et dont chacun de nous lui sut gré au fond du cœur.

Quelle étrange chose que ces rencontres fortuites, et combien il m’eût étonné, celui qui m’eût dit que cette famille, que je ne connaissais pas deux heures auparavant, qui m’était complètement étrangère, allait, pour deux ou trois ans, presque devenir la mienne, et que ce chemin qui m’avait paru si long, de la rue du Faubourg-Saint-Denis à la rue de Vaugirard, je le ferais, à l’avenir, tous les jours deux fois !

Au reste, j’avais hâte d’arriver pour causer avec M. Villenave. Je ne sais comment et à quelle occasion une brochure de lui m’était, un jour, tombée sous la main ; cette brochure

    un jour, à Bruxelles, j’ai lu dans un journal ces lignes, froides comme cet acier que le moyen âge a mis aux mains d’un squelette :
    xxx « Madame Bataillard, fille de madame Melanie Waldor, vient de mourir à la suite d’une longue et douloureuse maladie. Le convoi aura lieu demain. Ceux de ses amis qui n’auraient pas reçu de lettre de faire part, sont invités à se réunir à onze heures à la maison mortuaire. »
    xxx L’invitation malheureusement m’arrivait trop tard ; et moi qui, parmi tous ses amis, avais bien certainement pour elle un des cœurs les plus tendres, je n’ai eu ni la consolation de la voir avant sa mort, ni celle de l’accompagner au tombeau.
    xxx La rieuse enfant, la belle jeune file, la femme sérieuse et intelligente qui devait nous suivre de loin, nous qui l’avions vue naître, est partie la première, et nous attend !