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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 5.djvu/50

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

avec son cheval, oh ! alors, nous nous déciderons à prendre notre fusil. »

Les écrivains les plus poétiques auront grand’peine à donner à tout cela un caractère chevaleresque. Quant à moi, je préfère de beaucoup ces volontaires courant au-devant des Prussiens jusqu’à Valmy, à ces paysans les attendant tranquillement derrière leurs haies ; d’autant plus qu’il ne m’est pas bien prouvé qu’ils ne les attendissent pas pour se joindre à eux. Pourquoi n’auraient-ils pas pactisé avec les Prussiens ? Ils pactisaient bien avec les Anglais !

La guerre commença donc entre patriotes et royalistes, entre citadins et paysans.

Il y avait des villes constitutionnelles, — les villes manufacturières, — Chollet par exemple, où l’on faisait de si beaux mouchoirs ; il y avait là beaucoup d’ouvriers qui ne voulaient en France ni Prussiens ni amis des Prussiens. Un beau jour, ils apprirent que ceux de Bressuire s’étaient révoltés ; ils s’armèrent de piques, et coururent les attaquer.

Aussi la ville de Chollet fut-elle tout particulièrement désignée à la haine des paysans.

Le 4 mars 1793, ceux-ci l’attaquèrent à leur tour. Un commandant de la garde nationale se fia à un groupe royaliste ; il y entra pour tâcher de réconcilier les deux partis ; bientôt des cris douloureux sortirent de ce groupe ; ce groupe s’était refermé sur lui, et on lui sciait les jambes avec son sabre.

Le 10, ce fut le tour de Machecoul ; là, il y eut moins de besogne qu’à Chollet. Machecoul était une petite ville ouverte de tous les côtés et facile à prendre. C’était un dimanche qu’on y apprit le danger ; le tocsin sonnait, et tous les paysans des  environs marchaient sur la ville. Deux cents patriotes se réunirent et s’avancèrent bravement contre les assaillants ; — deux cents contre deux mille ! — la masse s’ouvrit, enveloppa la petite troupe, et n’en fit qu’une bouchée. Machecoul avait un curé constitutionnel ; les prêtres non assermentés en voulaient fort aux prêtres assermentés : ceux-ci gâtaient le métier, disaient-ils ; on prit le pauvre homme, qui venait de dire la messe : on le tua ; mais on était con-