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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 5.djvu/53

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

cendant de la race, fut tué en chassant, à l’âge de seize ans.

Arrivée à Chollet, l’armée vendéenne envoya un parlementaire ; — étrange parlementaire, et qui donnait une idée du temps, du lieu, de la situation ! — il était tête nue et pieds nus ; il portait à la main un crucifix couronné d’épines ; ceint d’un gros chapelet, il tenait ses yeux au ciel, comme un inspiré ou un martyr, et criait avec des sanglots :

— Rendez-vous, mes bons amis, ou tout va être mis à feu et à sang !

Cette sommation se faisait au nom du commandant Stofflet, et de l’aumônier Barbotin.

Trois cents patriotes armés de fusils, et cinq cents armés de piques, c’était là toute la garnison de Chollet ; ils essayèrent de résister à ces quinze mille hommes ; mais, comme on le comprend bien, toute résistance était impossible : au premier coup, tomba le chef des républicains, M. de Beauveau. Les patriotes se retirèrent dans un pavillon du château qui commandait la place, et d’où ils tirèrent sur les Vendéens, au fur et à mesure qu’ils entraient ; cela était d’autant plus facile qu’il y avait un calvaire sur cette place, et que chaque paysan, sans s’inquiéter des coups de fusil, en passant près de ce calvaire, s’y agenouillait, y faisait son oraison, et ne se remettait au combat que son oraison faite, et son signe de croix achevé.

Ces bonnes gens, — appuyons sur le mot, ces braves gens, — car ils ne se doutaient pas des crimes qu’ils commettaient, ces crimes leur étant commandés par leurs prêtres ! — ces braves gens ne volaient pas, mais ils tuaient, non-seulement pendant la bataille, ce qui ne serait rien, mais encore après. Ils tuaient cruellement, vous allez voir.

C’est encore Michelet qui va vous raconter comment ils tuaient ; si je vous le racontais seul et moi-même, vous diriez que je fais du roman.

Vous ne supposerez pas que celui-là ment ; on l’a chassé de sa chaire parce qu’il y disait, non-seulement la vérité du passé, mais encore celle de l’avenir :

« Dès qu’un prisonnier était confessé, — c’est Michelet qui