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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 5.djvu/57

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

terrassé par elle ; c’est inutilement que, l’œil sombre, le bras étendu et la voix stridente, il criait à ses anciens collègues devenus ses juges :

— Mais je ne vous comprends pas ! mais vous êtes donc insensés ! Pourquoi donc blâmer aujourd’hui ce que vous me commandiez hier ? Mais, en m’accusant, la Convention s’accuse… Ma condamnation, c’est votre condamnation à tous, songez-y ; tous vous serez enveloppés dans la proscription qui m’enveloppera ; si je suis coupable, tout est coupable ici… tout, tout, tout ! jusqu’à la sonnette du président !

Mais ses cris furent inutiles. — Et voilà le terrible des révolutions, c’est qu’il arrive une époque où la terreur qui avait poussé dans l’action pousse dans la réaction, et où la guillotine, après avoir bu le sang des condamnés, boit, impassible pour les uns comme pour les autres, le sang des juges et des bourreaux !

Cette réaction, qui, arrivant deux jours plus tôt, sauvait André Chénier, sauva M. Villenave, et les cent trente et un Nantais, ses compagnons.


CXVI


La maison de M. Villenave. — Le despotisme du maître. — La coquetterie du savant. — Description du sanctuaire de la science. — J’y suis admis à la faveur d’un autographe de Buonaparte. — La lézarde. — Huit mille livres d’in-folio. — Le pastel de Latour. — Voyages à la découverte d’un Elzévir ou d’un Faust. — La chute du portrait et mort de l’original.

Je voulais parler de M. Villenave, et voilà que j’ai parlé de Cathelineau, de Stofflet, de Sauveur et de Carrier. Étrange chose que l’imagination ! cette folle du logis, qu’on en croit l’esclave, et qui en est la reine !

J’ai dit que nous allions prendre une tasse de thé à la maison de M. Villenave.

Chaque oiseau a son nid fait d’herbes ou de plumes différentes : chaque homme a sa maison — quand il à une maison