Aller au contenu

Page:Dumas - Mes mémoires, tome 5.djvu/99

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
96
MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Je cite cette phrase comme un souvenir de l’impudence de cet homme.

Je lui dis que j’étais venu, non pas pour user de son influence, mais pour l’inviter à rétracter, le plus promptement possible et dans les meilleurs termes, son article du jour.

Le lendemain, son journal contenait la rétractation suivante :

« Nous serions désolé qu’on nous imputât des intentions bien éloignées de notre pensée, au sujet de notre petit article d’hier sur Henri III, nouvellement admis à la Comédie-Française. Nous n’avions pas de renseignements exacts sur ce point ; nous en possédons maintenant, et nous pouvons rassurer nos lecteurs sur le ton, la délicatesse et le tact qui ont présidé à la mise en scène des personnages dont il était question. Cette manière de traiter le romantique est trop voisine du classique pour que nous la désapprouvions. »

Peut-être s’étonnera-t-on que je me sois un instant inquiété de cet homme ; mais — il faut que je le répète pour qu’on le croie — cet homme, tout méprisé, tout méprisable qu’il était, avait son influence. Ses recommandations, au lieu d’être déchirées au nez du recommandé, avaient leur poids dans la balance des grâces, et un directeur des beaux-arts de notre connaissance à tous lui a fait, pendant de longues années, une pension de mille écus.

Au reste, que cette rétractation eût influé ou non sur la commission d’examen, le lendemain du jour où parut cette rétractation, la pièce fut rendue moins torturée, moins lacérée, moins déchiquetée qu’elle ne le serait aujourd’hui !

Il est vrai que M. de Martignac, qui avait beaucoup entendu parler de la pièce, avait voulu être son censeur, et M. de Martignac, comme chacun le sait, était un homme si spirituel, que, tant qu’il fut au ministère, Charles X eut de l’esprit. J’étais au théâtre, tout joyeux de ce retour presque inespéré de mon drame, qui devait passer le samedi suivant, lorsque le domestiqua de M. Deviolaine accourut, tout effaré, me dire