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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 6.djvu/108

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

hésité un instant, leur hésitation ne fut pas longue. Ils mirent la bride aux dents, tirèrent d’une main leur sabre, et de l’autre un pistolet.

La foule était sans armes ; elle rentra dans les allées, dans les boutiques ouvertes, ou s’esquiva par la rue de Lille.

Arago et Gauja s’embusquèrent aux deux coins de cette rue ; l’un d’eux, je ne sais lequel, cria à l’autre :

— Allons ! il est temps de commencer !

Au même moment, les deux gendarmes fondirent sur eux au grand galop.

Les deux coups de feu d’Étienne et de Gauja partirent en même temps.

Tous deux avaient visé le même homme ; celui qu’ils avaient visé tomba percé de deux balles.

L’autre gendarme rebroussa chemin. Le cheval qui avait perdu son cavalier continua sa course, et s’enfonça dans la rue du Bac…

On se précipita vers le gendarme gisant à terre ; il était mourant. On lui prit son sabre, son pistolet et sa giberne, et on le porta à la Charité.

Lorsqu’ils virent entrer un gendarme blessé dans la salle, et qu’ils apprirent qu’il avait été blessé en chargeant sur le peuple, les malades voulaient l’achever.

L’esprit de révolution était entré jusque dans les hôpitaux !

J’avais passé ma veste, pris mon fusil, ma carnassière, ma poire à poudre ; j’avais bourré mes poches de balles, et j’étais descendu.

Arago et Gauja avaient disparu tous les deux.

On me connaissait dans le quartier, on se groupa autour de moi.

— Que faut-il faire ? me demanda-t-on.

— Des barricades ! répondis-je.

— Où cela ?

— Une de chaque côté de la rue de l’Université ; l’autre en travers de la rue du Bac.

On m’apporta une pince ; je me mis à la besogne, et commençai à dépaver la rue. Tout le monde réclamait des armes.