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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 6.djvu/107

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

avec lui le commissaire de police, Étienne parvint à entrer dans la boutique.

— Mon ami, dit-il, ne vous effrayez pas… Nous ne venons point prendre vos armes ; nous venons les acheter.

Il prit cinq ou six fusils, en garda un pour lui, un pour Gauja, un pour Lallemand, et distribua les autres. Puis il vida ses poches, dans lesquelles il y avait trois cent vingt francs, et, pour le surplus de la fourniture, donna un bon sur son frère François, de l’Observatoire, qui paya religieusement.

Lallemand endossa le billet.

Ce Lallemand était un garçon fort instruit et fort spirituel, que nous appelions le Docteur, parce qu’il parlait toujours latin.

Je donne cette explication afin qu’on ne le confonde pas avec le professeur Lallemand.

On prit tout de suite, chez le même armurier, de la poudre et des balles ; on n’allait pas, comme on le verra, tarder à en avoir besoin.

J’étais remonté chez moi ; j’avais appelé mon domestique Joseph ; je m’étais fait donner mon costume de chasse complet. C’était, pour l’exercice auquel nous allions nous livrer, le costume le plus commode, et qui surtout devait le moins attirer les yeux.

J’étais à moitié de ma toilette quand j’entendis une grande rumeur dans la rue du Bac ; je me mis à la fenêtre : c’étaient Étienne Arago et Gauja qui appelaient la population aux armes.

On se souvient que je demeurais au-dessus du café Desmares ; mais ce que j’ai oublié de dire, c’est que trois de mes fenêtres donnaient sur la rue du Bac.

En ce moment, du côté du pont, à l’entrée de la rue, parurent deux gendarmes. Que venaient-ils faire là ? Quel hasard les y conduisait ? Nous n’en sûmes rien. En les apercevant, la foule qui encombrait la rue poussa de grands cris.

Les gendarmes parurent se consulter ; mais, s’ils avaient