Aller au contenu

Page:Dumas - Mes mémoires, tome 6.djvu/116

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
113
MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

vu, qu’une collision était imminente. — À cette nouvelle, les têtes s’étaient montées.

Vers sept heures, on avait entendu les coups de fusil tirés dans la rue du Lycée, et les feux de peloton de la rue Saint-Honoré. Aussitôt, les élèves s’étaient réunis dans la salle de billard, et, là, ils avaient décidé que quatre d’entre eux seraient envoyés à Laffitte, à la Fayette et à Casimir Périer, pour leur annoncer la disposition de l’École, et leur dire que les élèves étaient prêts à se jeter dans l’insurrection.

L’École comptait dans son sein quarante ou cinquante républicains, autant peut-être, à elle seule, que Paris avec ses douze cent mille habitants.

Les quatre élèves choisis furent MM. Berthelin, Pinsonnière, Tourneux et Lothon.

On avait voulu les empêcher de sortir ; mais ils avaient forcé la consigne, et ils étaient arrivés à neuf heures du soir chez Charras.

Charras était en train de brûler le corps de garde de la place de la Bourse, et ne rentra qu’à onze heures et demie.

N’importe, il fut décidé qu’on irait immédiatement chez Laffitte.

On partit à minuit de la rue des Fossés-du-Temple ; on arriva à minuit vingt minutes à la porte de l’hôtel. On frappa et l’on sonna en même temps ; on avait hâte d’entrer. D’ailleurs, dans l’innocence de leur âme, les cinq jeunes gens se figuraient que Laffitte était aussi pressé d’accepter leur vie qu’ils étaient, eux, pressés de l’offrir.

Un concierge maussade ouvrit un guichet.

— Que voulez-vous ? demanda-t-il.

— Parler à M. Laffitte.

— À quel propos ?

— À propos de la révolution.

— Qui êtes-vous ?

— Des élèves de l’École polytechnique.

— M. Laffitte est couché.

Et le concierge avait fermé la porte au nez des cinq jeunes gens.