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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 6.djvu/120

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Les tambours de la garde nationale commençaient à battre le rappel. Notre petite troupe faisait noyau : à la rue du Bac, j’avais cinquante hommes, deux tambours et un drapeau.

Je voulus entrer chez moi en passant, pour prendre de l’argent ; j’étais sorti, le matin, sans m’inquiéter de ce que j’avais dans mes poches, et je m’étais aperçu que je ne possédais qu’une quinzaine de francs ; mais le propriétaire était venu, et m’avait consigné au portier.

Ma conduite du matin avait fait scandale ; j’avais, moi vingtième, désarmé trois gardes royaux ; j’avais, moi dixième, fait trois barricades ; enfin, comme on me trouvait sans doute assez riche pour me prêter quelque chose, on me mettait sur le dos le gendarme d’Arago et de Gauja.

Ma troupe me faisait la même offre que Charras avait faite, la veille, à ses compagnons : elle m’offrait d’enfoncer la porte ; mais je tenais à mon logement, je m’y trouvais bien, je n’avais pas la moindre envie que mon propriétaire me donnât congé ; je contins l’enthousiasme de mes hommes.

Nous nous remîmes en route, suivant la rue de l’Université. À ce moment, j’avais à peu près une trentaine d’hommes armés de fusils ; à la hauteur de la rue Jacob, j’eus l’idée de leur demander s’ils avaient des munitions. Ils n’avaient pas dix cartouches entre eux tous ; ce qui ne les empêchait pas de marcher au feu avec cette naïve et sublime confiance qui caractérise le peuple de Paris dans les jours d’insurrection.

Nous entrâmes chez un armurier dont les armes avaient été prises, pour lui demander s’il pouvait nous dire où nous trouverions des cartouches. Il nous dit qu’à la petite porte de l’institut, rue Mazarine, nous trouverions un monsieur qui distribuait de la poudre. — Quoiqu’il fût assez peu probable qu’il y eût, à la petite porte de l’institut, un monsieur qui distribuât de la poudre, nous nous rendîmes à l’endroit indiqué.

Le renseignement était parfaitement exact : nous trouvâmes, à la petite porte de l’institut, un monsieur qui distribuait de la poudre.

Quel était ce monsieur ? d’où sortait-il ? au compte de qui