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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 6.djvu/121

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

distribuait-il cette poudre ? Je n’en sais rien, et ne m’en inquiéterai pas aujourd’hui, ne m’en étant pas inquiété alors. Je constate un fait, voilà tout.

Il y avait queue, comme on le comprend bien.

Chaque homme armé d’un fusil recevait douze charges de poudre ; tout homme armé d’un pistolet en recevait six.

Quant aux balles, le monsieur n’en tenait pas. J’espérais m’en procurer chez Joubert, au passage Dauphine.

Pour ne pas effrayer les gens du passage, je laissai mes hommes dans la rue, et j’allai seul chez Joubert.

Joubert était parti avec Godefroy Cavaignac et Guinard.

Cavaignac et Guinard étaient brouillés ; en se rencontrant par hasard chez Joubert, le fusil à la main, ils s’étaient jetés dans les bras l’un de l’autre.

Malgré l’absence du maître de la maison, on me donna une cinquantaine de balles que je rapportai à mes hommes.

Cela ne faisait pas deux balles par fusil.

Nous n’en continuâmes pas moins notre chemin, en nous confiant à la Providence.

Comme nous allions à la place de Grève, nous prîmes la rue Guénégaud, le pont Neuf et le quai de l’Horloge.

Rien ne paraissait devoir s’opposer à notre marche, que hâtaient le bruit de la fusillade et celui du canon, quand, en arrivant au quai aux Fleurs, nous nous trouvâmes en face d’un régiment tout entier. C’était le 15e léger.

Il n’y avait guère moyen, avec trente fusils et cinquante coups à tirer, d’attaquer quinze cents hommes.

Nous nous arrêtâmes. Cependant, comme la troupe ne prenait pas vis-à-vis de nous une attitude agressive, tout en faisant faire halte à mes hommes, je m’avançai vers le régiment, le fusil haut, et indiquant par mes signes que je voulais parler à un officier. Un capitaine s’avança.

— Que voulez-vous, monsieur ? me demanda-t-il.

— Le passage pour moi et mes hommes.

— Où allez-vous ?

— À l’hôtel de ville.