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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 6.djvu/134

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

— Diable ! dis-je, et d’où vient cette fusillade ?

— De Saint-Thomas-d’Aquin, mousieur.

— Comment ! de l’église ?

— Eh non ! du musée d’artillerie… Monsieur sait bien qu’il y a là un corps de garde.

— Ah ! c’est vrai, m’écriai-je, le musée d’artillerie !… J’y vais.

— Quoi ! monsieur y va ?

— Sans doute.

— Ah ! mon Dieu !

— Vite, aide-moi… Un verre de vin de Madère ou d’Alicante… Oh ! les malheureux ! ils vont tout piller !

En effet, c’était là ma grande préoccupation ; c’était là ce qui me faisait courir au feu. Je me rappelais ces trésors archéologiques que j’avais vus, tenus, touchés un à un dans les études que j’avais faites sur Henri III, Henri IV et Louis XIII, et je voyais tout cela dispersé aux mains de gens qui, n’en connaissant pas la valeur, donneraient au premier venu des merveilles d’art et de richesse pour une livre de tabac ou un paquet de cartouches.

En cinq minutes, je fus prêt, et je m’élançai du côté de Saint-Thomas-d’Aquin.

Pour la troisième fois, les assaillants venaient d’être repoussés.

C’était tout simple : ils s’acharnaient à attaquer le musée par les deux ouvertures de la rue du Bac et de la rue Saint-Dominique.

Le feu des soldats enfilait les deux rues, et les balayait avec une déplorable facilité.

J’avisai les maisons de la rue du Bac faisant de chaque côté l’angle de la rue Gribauval ; je jugeai que leur façade opposée devait donner sur la place Saint-Thomas-d’Aquin, et que, des étages supérieurs, on dominait facilement le poste du musée d’artillerie.

Je fis part aux combattants du plan que venait de m’inspirer la vue des localités ; ce plan fut adopté à l’instant même. Je frappai à la porte de l’une des deux maisons, celle de la rue