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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

du Bac, 35 ; la porte fut lente à s’ouvrir, mais enfin elle s’ouvrit ; huit ou dix hommes armés de fusils entrèrent avec moi, et nous nous élançâmes aux étages supérieurs.

J’arrivai, moi troisième ou quatrième, à une mansarde arrondie par le haut où je m’établis avec autant de sécurité que je l’eusse fait derrière le parapet d’un bastion.

Alors, le feu commença, mais avec une chance tout opposée.

Au bout de dix minutes, le poste avait perdu cinq ou six hommes.

Tout à coup, le reste des soldats disparut, et le feu s’éteignit.

Ce pouvait être une espèce d’embuscade ; aussi hésitâmes-nous à quitter nos retranchements.

Mais bientôt le concierge du musée parut sur la porte en faisant des gestes à la signification pacifique desquels il n’y avait pas à se tromper.

Nous descendîmes. Les soldats, en escaladant les murs, s’étaient sauvés par les cours et par les jardins. Une partie des insurgés encombrait déjà les corridors lorsque j’arrivai.

— Pour Dieu, mes amis, m’écriai-je, respectez les armes !

— Comment, que nous respections les armes ? Il est bon, celui-là ! répondit un des hommes auxquels je m’adressais ; mais nous ne sommes ici que pour les prendre, les armes !

Je réfléchis alors qu’effectivement ce devait être là le seul but de l’attaque, et qu’il n’y avait pas moyen de sauver du pillage ce magnifique établissement. Je ne pensai donc plus qu’à prendre ma part des armes les plus précieuses.

De deux choses l’une : ou on garderait ces armes, ou on les rapporterait au musée. Dans l’un ou l’autre cas, mieux valait que je fusse, moi, plutôt que tout autre, détenteur de choses précieuses. Si on devait les garder, elles étaient entre les mains d’un homme qui saurait les apprécier. Si on devait les restituer, elles étaient entre les mains d’un homme qui saurait les rendre.