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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Millotte est aujourd’hui l’un de nos plus honorables exilés.

Donc, en vertu de son uniforme, en vertu de son épée, en vertu, enfin, du droit qu’avaient les élèves de l’École d’être officiers ; Charras avait pris le commandement d’une troupe de cent cinquante hommes.

Un tambour et un drapeau s’étaient joints à cette troupe et l’avaient portée au grand complet.

Alors, on s’était demandé où il fallait aller.

Une voix avait crié :

— À la prison Montaigu, place du Panthéon !

Et Charras et sa troupe étaient partis pour la prison Montaigu, place du Panthéon.

Les révolutions ont leurs vents inconnus qui poussent sans raison apparente les hommes sur un point ou sur un autre ; ce sont les trombes qui soufflent sur les océans : elles vont au sud ou au septentrion, à l’est ou à l’ouest, sans qu’on sache ni comment ni pourquoi.

C’est le souffle de Dieu qui les conduit.

À la prison Montaigu, on avait trouvé cent cinquante hommes l’arme au pied, et prêts à se défendre.

Un brasseur de la rue Saint-Antoine, nommé Maes, était là, nouveau Santerre, avec une soixantaine d’insurgés. Il était à cheval et portait l’ancien uniforme de la garde nationale.

La lutte menaçait d’être chaude ; on essaya de parlementer.

— Holà ! capitaine, cria Charras, voulez-vous venir à moi, ou préférez-vous que j’aille à vous ?

— Venez, monsieur, dit le capitaine.

— J’ai votre parole ?

— Oui.

Charras s’approcha.

Alors, il s’établit un de ces dialogues qui naissent de la situation et qu’on ne retrouve plus en dehors de la situation, dialogue dans lequel Charras essayait de prouver au capitaine que ce qu’il y avait de plus avantageux, de plus honorable et surtout de plus patriotique pour lui, c’était de passer du côté du peuple, ou tout au moins de lui prêter des fusils.

Le capitaine ne semblait pas comprendre la logique de