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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 6.djvu/150

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

tué au bord de la rivière, en face de l’endroit où la rue des Saints-Pères débouche sur le quai Malaquais.

Cependant, l’attaque comme la défense était flasque ; chacun semblait être là pour l’acquit de sa conscience, et peloter en attendant partie.

Notre arrivée réchauffa la scène juste au moment où l’intérêt languissait.

Nous étions cent vingt, à peu près.

Nous nous égaillâmes sur le quai, comme on dit en style vendéen, les uns remontant du côté du pont Neuf, les autres s’allongeant du palais Mazarin, tout le long du parapet, jusqu’au petit corps de garde dont j’ai parlé.

Je m’établis d’abord sous un des pavillons à tourniquets ; mais je vis bientôt que je serais constamment dérangé par les allants et venants.

Je gagnai donc la fontaine, et m’installai derrière le lion de bronze le plus rapproché de la rue Mazarine.

J’avais ainsi, à ma droite, la grande porte du palais, que, comme la porte du Jubilé, à Saint-Pierre de Rome, on n’ouvre guère que tous les cinquante ans.

J’avais, à ma gauche, la petite porte qui conduit aux appartements des personnes logées à l’institut.

Enfin, devant moi, j’avais le pont des Arts, me présentant en perspective un objet qui ne laissait pas que de m’inspirer quelque inquiétude, cet objet ressemblant fort à une pièce de canon en batterie.

Au reste, la cible était magnifique : tout un régiment de cuirassiers présentait le flanc ! derrière les cuirassiers, les Suisses en habit rouge, avec des brandebourgs blancs. Le tout à deux cents pas à peine.

C’était à faire venir l’eau à la bouche rien que d’y penser ; il est vrai que c’était à faire venir la sueur sur le front en y pensant.

J’ai dit quelles étaient mes impressions en face du danger.

Je l’affronte avec hésitation d’abord, mais je me familiarise vite avec lui.

Or, mon apprentissage de la veille au quai Notre-Dame et