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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 6.djvu/158

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

oraison funèbre un geste qui voulait dire : « C’est malheureux ! mais, ma foi, il est mort dans un beau jour ! »

Et l’on allait droit devant soi, de la salle du trône au cabinet du roi, du cabinet du roi à la chambre à coucher du roi.

— Ah ! par exemple, le lit du roi était une chose curieuse à voir ! Ce qui s’y passait, je ne l’ai jamais bien su ; mais, s’il faut en juger par le nombre de spectateurs qui l’entouraient, et par leurs éclats de rire, il devait s’y passer quelque chose d’exorbitant…

Peut-être les noces du peuple avec la liberté !

Et l’on allait toujours, mêlant sa voix à cette grande voix, son geste à ce geste immense.

On allait suivant ceux qui marchaient devant, poussé par ceux qui venaient derrière.

On arriva à la salle des Maréchaux.

C’était la première fois que je voyais tout cela, et je ne l’ai revu qu’à la chute du roi Louis-Philippe, en 1848.

Pendant les dix-huit ans du règne de la branche cadette, je n’ai jamais mis les pieds aux Tuileries, excepté pour visiter M. le duc d’Orléans.

Mais, on le sait, le pavillon Marsan, ce n’était pas le moins du monde les Tuileries, et c’était bien souvent une raison de ne pas aller aux Tuileries, que d’aller au pavillon Marsan.

On arriva à la salle des Maréchaux.

Le cadre du portrait de M. de Bourmont, qui venait d’être fait maréchal, occupait déjà son panneau : le nom même était inscrit sur le cadre, mais le portrait n’était pas encore dedans.

À la place de la toile, en guise de doublure sans doute, il y avait une grande tenture de taffetas ponceau.

La tenture fut arrachée et servit à faire du rouge pour les bouffettes de ruban tricolore que chacun portait à sa boutonnière.

J’en accrochai un morceau qui eut cette destination.

Au moment où je disputais à mes voisins ce lambeau d’étoffe, deux ou trois coups de fusil partirent à mes oreilles.