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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 6.djvu/161

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Cinquante coups de fusil lui avaient été tirés, et il avait été assez heureux pour que pas un ne l’atteignit : pas un ne l’avait préoccupé !

Juste en ce moment, et comme des cris d’enthousiasme saluaient la folle réussite de l’enfant, le duc de Raguse, qui concentrait ses forces autour du Carrousel pour un dernier combat, apprit que les soldats stationnant sur la place Vendôme commençaient à entrer en communication avec le peuple.

La place Vendôme prise, c’était la rue de Rivoli occupée, c’était la place Louis XV conquise, c’était, enfin, la retraite coupée sur Saint-Cloud et sur Versailles.

Le Louvre était particulièrement défendu par deux bataillons de Suisses.

Un seul suffisait à sa défense.

Le maréchal eut l’idée de remplacer les troupes de la place Vendôme — qui, ainsi que nous venons de le dire, menaçaient de défection — par un des deux bataillons suisses.

Il expédia à M. de Salis, qui commandait les deux bataillons, son aide de camp, M. de Guise.

M. de Guise avait ordre de ramener un des deux bataillons.

M. de Salis reçut cet ordre et ne vit aucun inconvénient à l’accomplir. Il était d’autant plus de cet avis qu’un seul bataillon suffisait à la défense du Louvre, et qu’un seul, en réalité, le défendait depuis le matin.

L’autre se tenait dans la cour l’arme au pied.

Alors, M. de Salis eut cette idée, idée toute naturelle d’ailleurs, d’envoyer au duc de Raguse, non pas le bataillon de réserve qui stationnait dans la cour, mais celui qui, placé sur la colonnade du Louvre, au balcon de Charles IX et aux fenêtres de la galerie de tableaux, combattait depuis le matin.

Il commanda donc au bataillon frais de prendre la place, du bataillon fatigué.

Seulement, il commit cette méprise : au lieu de commencer par faire monter le bataillon frais, il commença par faire descendre le bataillon fatigué.