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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 6.djvu/17

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

— Non, dit-il, mais j’ai une idée.

— Pardieu ! cela ne m’étonne pas.

Le prince se mit à rire.

— Croyez-vous qu’il veuille apprendre l’allemand ?

— Il apprendra tout ce que voudra monseigneur.

— Eh bien, j’en fais un secrétaire adjoint de madame la duchesse d’Orléans ; quand il saura l’allemand, il traduira les lettres qu’elle recevra d’Allemagne… Voilà la seule place que j’aie à lui donner.

— Et les appointements courront ?…

— De demain ; dites-lui de se présenter chez Asseline.

— Merci pour lui et pour moi, monseigneur.

Et il s’approchait de plus en plus de la cheminée, roulant toujours son petit papier entre ses doigts.

Enfin, il allongea le bras vers la flamme du foyer ; mais je m’avançai vers la cheminée, et, étendant la main entre le papier et la flamme :

— Pardon, monseigneur, lui dis-je.

— Quoi, pardon ?

— Ce petit papier…

— Eh bien ?

— C’est mon courtage.

— Qu’en ferez-vous ?

— Je le ferai encadrer.

— Oh ! vous en êtes bien capable !… Laissez-moi le brûler.

— Monseigneur, je le cacherai dans un portefeuille ; et ne le montrerai qu’une fois par semaine.

— Vous me le promettez ?

— Parole d’honneur !

— En ce cas, prenez ; et, comme vous avez hâte de me quitter pour annoncer la bonne nouvelle à votre protégé, allez-vous-en.

— Oh ! monseigneur n’aura pas besoin de me donner deux fois mon congé.

— Allez ! allez !

Il me fit signe de la main, et je sortis.

Pauvre prince ! j’ai bien des anecdotes de ce genre-là à raconter sur lui, et je les raconterai, je l’espère bien.