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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 6.djvu/180

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

priait pendant que vous combattiez, tout cela vous vient impudemment prendre des mains la victoire et la liberté, arrache les palmes de l’une, coupe les ailes de l’autre, et fait deux prostituées de vos deux chastes déesses !

Tandis que vous fusillez, place du Louvre, un homme qui a pris un vase de vermeil ; tandis que vous fusillez sous un arche du pont d’Arcole, un homme qui a pris un couvert d’argent, on vous insulte, on vous calomnie, on vous déshonore là-bas dans ce grand et bel hôtel que, par une souscription nationale, vous rachèterez un jour, — enfants sans mémoire et au cœur d’or ! — pour en faire don à son propriétaire, qui se trouve ruiné, n’ayant plus que quatre cent mille francs de rente !

Écoutez et instruisez-vous ! — Audite et intelligite !

Voici le premier acte de cette commission municipale qui vient de s’instituer :

« Les députés présents à Paris ont dû se réunir pour remédier aux graves dangers qui menacent la sûreté des personnes et des propriétés. Une commission municipale a été nommée pour veiller aux intérêts de tous en l’absence de toute organisation régulière… »

Prenez garde, messieurs les royalistes, il y a un édit du bon roi saint Louis qui ordonne de percer avec un fer rouge la langue des blasphémateurs !

Cette commission devait avoir un secrétaire à l’hôtel de ville ; ce secrétaire, ce fut Odilon Barrot.

Il est vrai qu’en même temps que la commission signait cet injurieux arrêté, on venait lui annoncer que la moitié des combattants mourait de faim sur les places publiques, et demandait du pain.

On se tourna d’un mouvement unanime vers M. Casimir Périer, le même qui proposait, la veille, d’offrir quatre millions au duc de Raguse.

— Ah ! messieurs, répondit-il, j’en suis vraiment désespéré pour ces pauvres diables, mais il est plus de quatre heures, et ma caisse est fermée.