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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 6.djvu/191

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Il portait en sautoir une poire à poudre suspendue par un ruban rouge.

Dans sa ceinture était passé un petit poignard de quatre pouces de long.

Chargeait-il son poignard avec sa poire à poudre, ou bourrait-il sa poire à poudre avec son poignard ! C’est un problème que je n’ai jamais pu résoudre.

— J’ai abattu dix-huit arbres sur le boulevard ! disait-il à Étienne Arago.

— Avec votre poignard ? demanda Étienne en riant.

— Non, répondit Bonnelier en riant à son tour, je veux dire que je les ai marqués avec mon poignard, et que le peuple les a abattus.

En attendant, il était secrétaire de la Fayette.

Ce fut par lui que j’appris ce qui venait de se passer entre MM. de Vitrolles, de Sémonville, d’Argout et la commission municipale.

La situation devenait de plus en plus intéressante. Je me doutais bien qu’Oudard était allé à Neuilly ; je croyais que la réponse ne se ferait pas attendre ; je résolus de passer la nuit à l’hôtel de ville.

J’eus recours à la protection de Bonnelier, qui me fit ouvrir une espèce de cabinet dans lequel il y avait un bureau d’acajou et des fauteuils de velours vert.

Sur la cheminée étaient des candélabres à cinq branches non garnis de leur luminaire.

Il paraît que c’était un grand économiste pratique, que M. de Chabrol, qui avait cinq millions dans ses coffres, et pas de bougies dans ses candélabres.

Je commençai par mettre dans ma poche la clef du cabinet ; je descendis, j’achetai cinq bougies, je remontai, je pris sur la table de Bonnelier papier et crayon ; je le priai, s’il arrivait quelque nouvelle de Neuilly, de me la communiquer, ce qu’il me promit ; je rentrai dans mon cabinet, je garnis mes candélabres, j’allumai deux bougies, et je commençai à prendre des notes sur ce que j’avais vu dans la journée.