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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 6.djvu/195

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

— Bon ! mes amis, dit-il, en voici bien d’une autre ! Vous ne savez pas ce que l’on m’annonce ? C’est qu’il y a une conspiration de royalistes pour venir mettre le feu au Vaudeville, attendu que c’est du Vaudeville, comme vous ne l’ignorez pas, qu’est partie l’insurrection… Commençons d’abord par visiter le théâtre, n’est-ce pas ?

Il n’y eut pas d’objection contre la visite. D’ailleurs, beaucoup de ces braves gens n’étaient pas fâchés de voir un théâtre de près ; celui qui avait provoqué le voyage de Montrouge, et qui était un tonnelier du quartier du Roule, voulut bien faire quelques objections, mais il ne fut pas écouté.

On s’arrêta donc au Vaudeville. Arago, une lanterne à la main, conduisit ses hommes du second dessous aux galeries ; il ne leur fit pas grâce d’un portant, d’un trappillon, d’un châssis. »

On perdit une bonne heure à cette visite.

Puis on se remit en route pour la barrière du Maine.

Pendant ce temps, le général la Fayette était prévenu, et envoyait à Montrouge M. Comte, l’un, des plus brillants élèves de l’École polytechnique, qui, depuis, a fait un excellent ouvrage sur la philosophie positive.

M. Comte était porteur d’une lettre conçue en ces termes :

« Dans un pays libre, laissez circuler chacun librement ; que M. le duc de Chartres s’en retourne à Joigny, et, à la tête de ses hussards, attende les ordres du gouvernement.

» La Fayette.
» Hôtel de ville, le 30 juillet 1830. »

Lorsque j’appris le danger que courait le duc de Chartres, je voulais rentrer chez moi, faire seller mon cheval et courir à Montrouge ; mais on me fit observer qu’avant que je fusse à la rue de l’Université, M. Comte serait à Montrouge, et que mieux valait attendre les nouvelles à l’hôtel de ville.

J’attendis donc.

Les heures me parurent longues, je l’avoue, de huit heures du matin à deux heures de l’après-midi.