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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 6.djvu/197

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

les calmer qu’en leur promettant qu’il allait les ramener à l’hôtel de ville, et leur faire donner de la poudre à cœur joie.

Étienne était donc revenu dans ce double but de rapporter au général la Fayette la nouvelle de la fuite du duc de Chartres, et de faire donner de la poudre à ses hommes.

Mais on eut quelque peine à le relever de cette promesse ; on avait tant gaspillé de poudre, qu’on ne savait plus où en prendre.

— Je vous donne ma parole d’honneur, disait la Fayette à Étienne, qui ne pouvait pas croire à cette pénurie de munitions, que, si Charles X revenait sur Paris, nous n’aurions pas quatre mille coups de fusil à tirer !

J’avais entendu cette réponse et je ne l’avais point laissée tomber à terre.

Lorsque Arago se fut éloigné, je m’approchai de la Fayette.

— Général, lui dis-je, ne vous ai-je pas entendu répondre tout à l’heure à Arago que vous manquiez de poudre ?

— C’est la vérité, me dit le général ; seulement, j’ai peut-être eu tort de l’avouer.

— Voulez-vous que j’en aille chercher, de la poudre ?

— Vous ?

— Sans doute, moi.

— Et où cela ?

— Mais où il y en a… Soit à Soissons, soit à la Fère.

— On ne vous la donnera pas.

— Je la prendrai.

— Comment ! vous la prendrez ?

— Oui.

— De force ?

— Pourquoi pas ? On a bien pris le Louvre de force !

— Vous êtes fou, mon ami, me dit le général.

— Mais non, je ne suis pas fou, je vous jure !

— Allons, rentrez chez vous ; vous êtes fatigué ; vous ne pouvez plus parler… On m’a dit que vous aviez passé la nuit ici.

— Général, donnez-moi un ordre pour aller prendre de la poudre.