Aller au contenu

Page:Dumas - Mes mémoires, tome 6.djvu/218

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
215
MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Une vingtaine de jeunes gens nous suivirent : c’étaient mes anciens camarades Saunier, Fontaine, Arpin, Labarre, Rajade, que sais-je, moi ?

On prit la rue de Soissons, et l’on s’arrêta chez Paillet.

En un instant, grâce au père Cartier, qui demeurait presque en face, un souper excellent fut improvisé.

Cartier l’aîné, Paillet, Hutin et Bard se mirent à table.

Les autres firent cercle.

Alors, il fallut, tout en mangeant, raconter cette merveilleuse épopée des trois jours, dont pas un détail n’était encore parvenu à Villers-Cotterets.

Ce furent des cris d’admiration.

Puis je passai au récit de ma mission.

Là, l’enthousiasme se calma.

Quand j’eus annoncé que je comptais prendre, à moi seul, tout ce qu’il y avait de poudre dans une ville de guerre ayant huit mille âmes de population et huit cents hommes de garnison, mes pauvres amis se regardèrent, et me dirent, comme le général la Fayette :

— Ah çà ! mais tu es fou !

Il y avait quelque chose de plus grave que cette unanimité d’opinion des habitants de Villers-Cotterets : c’est que c’était aussi l’avis de Hutin, qui était de Soissons.

— Cependant, ajouta-t-il, comme je t’ai dit que je tenterais la chose avec toi, je la tenterai… Seulement, il y a cent à parier contre un que, demain à cette heure-ci, nous serons fusillés.

Je me retournai du côté de Bard.

— Que vous ai-je dit en vous proposant de vous emmener, seigneur Raphaël ?

— Vous m’avez dit : « Voulez-vous venir vous faire fusiller avec moi ? »

— Qu’avez-vous répondu ?

— J’ai répondu que je voulais bien.

— Et maintenant ?

— Je veux bien toujours.