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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 6.djvu/219

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

— Dame ! vous voyez, vous entendez… Réfléchissez, mon cher.

— C’est tout réfléchi.

— Alors, vous venez ?

— Certainement.

Je me retournai vers Hutin.

— Alors, tu viens ?

— Parbleu !

— C’est tout ce qu’il faut.

Je levai mon verre.

— Mes amis, à demain soir, ici !… Père Cartier, un dîner pour vingt personnes, à la condition qu’on le mangera, que nous soyons vivants ou morts. Voici deux cents francs pour le dîner !

— Tu payeras demain.

— Et si je suis fusillé ?…

— Eh bien, c’est moi qui payerai.

— Vive le père Cartier !

Et j’avalai le contenu de mon verre.

On répéta en chœur : « Vive le père Cartier ! » et, comme nous avions soupé, comme il était onze heures, comme les chevaux étaient au cabriolet, nous nous levâmes pour partir.

— Ah diable ! un instant, fis-je en réfléchissant ; nous pouvons avoir affaire demain à de plus rudes adversaires que le père Levasseur ; chargeons sérieusement les pistolets. Qui de ces messieurs a des balles de calibre ?

C’étaient des pistolets du calibre vingt-quatre.

C’eût été un grand hasard de trouver des balles de ce calibre-là.

— Attends, dit Cartier, je vais t’arranger cela, moi. Tu as des balles dans ta poche ?

— Oui, mais du calibre vingt.

— Donne-m’en quatre ; ou plutôt huit ; il est bon d’en avoir de rechange…

Je lui donnai huit balles.

Cinq minutes après, il me les rapporta allongées en lingots, et, par conséquent, entrant dans les pistolets.