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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 6.djvu/231

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

J’ai dit ma tenue : ma cravate en corde à puits, ma chemise de quatre jours, ma veste veuve de la moitié de ses boutons.

Il n’y avait donc rien d’étonnant à la question de M. le commandant de place.

Je déclinai mes nom, prénoms et qualités. J’exposai en deux mots la situation de Paris ainsi que l’objet de ma mission, et je présentai au commandant de place l’ordre du général Gérard.

Le commandant de place ou le lieutenant de roi, comme on disait alors indifféremment, lut l’ordre avec attention, et, me le remettant :

— Monsieur, dit-il, vous comprenez que je ne reconnais aucunement la suzeraineté du gouvernement provisoire. D’ailleurs, la signature du général Gérard ne présente aucun caractère d’authenticité : elle n’est point légalisée ; elle n’a pas même de cachet.

— Monsieur, répondis-je, il y a une chose qui remplacera, j’en suis sûr, d’une façon triomphante la légalisation et le cachet ; je vous donne ma parole d’honneur que la signature est bien celle du général Gérard.

Un sourire qui ne manquait pas d’une certaine ironie passa sur les lèvres de M. le commandant de place.

— Je vous crois, monsieur, dit-il ; mais je vais vous annoncer une nouvelle qui rendra toute discussion inutile : il ne doit pas y avoir en ce moment au magasin à poudre plus de deux cents cartouches.

Le sourire de M. de Liniers m’avait légèrement vexé.

— Monsieur, lui répondis-je avec la même politesse, comme vous ne savez pas au juste le nombre de cartouches qu’il y a au magasin à poudre, je vais m’en informer près des trois militaires qui sont mes prisonniers sur parole.

— Comment ! vos prisonniers sur parole ?

— Oui, monsieur le vicomte ; M. le lieutenant-colonel d’Orcourt, M. le capitaine Mollard et M. le sergent Ragon sont mes prisonniers sur parole… Je vais donc, comme j’avais l’honneur de vous le dire, m’informer auprès d’eux de la quantité