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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 6.djvu/242

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

après les autres ; mais, l’une levée, l’autre arrivait ; je vis que nous n’en finirions pas.

— Monsieur, lui dis-je, terminons. Voulez-vous ou ne voulez-vous pas me donner ce que vous avez de poudre dans votre magasin, pour mille francs que j’ai sur moi, et que voici ?

— Monsieur, impossible ! il y en a pour douze mille francs.

— Voulez-vous ou ne voulez-vous pas recevoir mes mille francs à-compte, et accepter, pour le reste, un bon payable par le gouvernement provisoire ?

 Monsieur, il nous est défendu de vendre à crédit.

— Voulez-vous ou ne voulez-vous pas me donner pour rien la poudre de la régie, c’est-à-dire la poudre du gouvernement, c’est-à-dire ma poudre, et non la vôtre, puisque j’ai un ordre du gouvernement pour la prendre, et que vous n’avez pas d’ordre pour la garder ?

— Monsieur, je vous ferai observer…

— Oui ou non ?

— Monsieur, vous êtes libre de la prendre ; mais je vous préviens que vous en répondrez au gouvernement.

— Eh ! monsieur, il fallait commencer par me dire cela, et la discussion serait finie depuis longtemps !

Je m’approchai de la cheminée, et m’emparai d’une hache à fendre le bois qui, depuis longtemps, me tirait l’œil.

— Mais, monsieur, s’écria, l’entreposeur stupéfait, que faites-vous ?

— Monsieur, je vous emprunte, cette hache pour enfoncer la porte de la poudrière… Vous la retrouverez à Saint-Jean, monsieur Jousselin.

Et je sortis.

— Mais, monsieur, cria l’entreposeur en me suivant, c’est un vol que vous commettez là !

— Et même un vol avec effraction, monsieur Jousselin.

— Je vous préviens que je vais en écrire au ministre des finances.

— Écrivez-en au diable, si vous voulez, monsieur Jousselin !