Aller au contenu

Page:Dumas - Mes mémoires, tome 6.djvu/257

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
254
MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Hélas ! le roi Charles X n’avait pas même là une madame Élisabeth pour crier à ce valet de chambre imbécile : « Non, monsieur, il n’a pas les grandes entrées, mais le roi les lui donne. »

Il fallut employer la menace, déclarer au valet de chambre qu’on le rendait responsable des malheurs qui pouvaient surgir de son refus.

Le valet de chambre, effrayé, céda, pliant sous le poids de la responsabilité.

Le roi dormait ; il fallut l’éveiller ; il fallut lui raconter Paris en révolution, Paris marchant dans la voie de la république, Paris armé et menaçant, mais pouvant être encore désarmé à cette heure ; Paris inexorable demain : il fallut tout cela pour que le roi se décidât.

La lutte dura de minuit à deux heures du matin. À deux heures et quelques minutes, le roi signa.

— Ah ! murmura-t-il en déposant la plume, le roi Jean et François Ier rendaient du moins leur épée sur un champ de bataille !

M. de Mortemart entendit cet aparté.

Il voulait rentrer, jeter les ordonnances sur le lit de ce monarque ingrat ; MM. d’Argout et de Vitrolles l’entraînèrent.

— Oh ! murmura-t-il à son tour, s’il ne s’agissait pas de sauver la tête du roi !…

On monta en calèche, et l’on partit ; mais, en arrivant au bois de Boulogne, on fut arrêté.

M. le dauphin avait, comme nous l’avons dit, donné l’ordre positif aux chefs de poste de ne laisser passer, pour Paris, aucune personne venant de Saint-Cloud.

l avait prévu ce qui arrivait.

M. de Mortemart fut obligé de tourner à pied le bois de Boulogne, et, après avoir fait un détour de trois lieues, il entra dans Paris par un mur ébréché dans un but de contrebande.

En entrant à Paris, il put voir les proclamations orléanistes affichées sur les murs.