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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 6.djvu/265

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

lui, la même observation ; car, tout à coup, il jeta la plume en s’écriant :

— Le diable m’emporte si je sais que leur dire, moi !

— Eh ! mon Dieu, reprit Odilon Barrot, laissons ces messieurs écrire leur lettre, et contentons-nous de la signer… Ils s’y entendent mieux que nous.

Et l’on passa la plume à Charras.

En un instant la proclamation fut troussée.

Charras en écrivait la dernière ligne lorsque entra le général Lobau ; sans doute, lui aussi cherchait le gouvernement provisoire.

— Ah ! pardieu ! dit Charras, voilà bien notre affaire ! puisque nous avons un vrai général sous la main, faisons-lui signer notre proclamation.

On s’adresse au général Lobau, on lui explique la situation, on lui lit la lettre ; mais le général Lobau tourne la tête.

— Oh ! dit-il, non ! je ne suis pas assez fou pour signer cela.

Et il sortit. — Hein ? fit Charras.

— Cela ne m’étonne pas, dit Mauguin. Tout à l’heure, ils ont refusé de mettre leur signature à un ordre d’alter enlever les poudres de Soissons.

C’était mon ordre.

— Alors, il recule ? dit Charras.

— Sans doute.

— Mais, sacrebleu ! en révolution, s’écria Charras, l’homme qui recule trahit !… Je vais le faire fusiller.

Odilon Barrot et Mauguin bondirent.

— Le faire fusiller ! y pensez-vous ?… Faire fusiller le général Lobau, un des membres du gouvernement provisoire… Et par qui le ferez-vous fusiller ?

— Oh ! que cela ne vous inquiète pas ! dit Charras.

Et, entraînant Mauguin vers la fenêtre :

— Voyez-vous, dit-il en lui montrant ses cent cinquante hommes, voyez-vous ces gaillards qui sont là-bas autour d’un drapeau tricolore ? Eh bien, ils ont pris avec moi la caserne de Babylone ; ils ne connaissent que moi, ils n’obéissent qu’à