Nous invitons maintenant nos lecteurs, ceux surtout qui veulent se faire une idée exacte du caractère de ces hommes élus pour être les pasteurs de l’humanité, nous les invitons, disons-nous, à comparer ce brouillon de lettre avec la note envoyée de Neuilly dans la nuit du 29 au 30 juillet.
Louis-Philippe, homme privé ; Louis-Philippe, homme politique ; Louis-Philippe, roi, est peint tout entier par lui-même dans cette note et dans ce brouillon.
Seulement, la date du 31 juillet nous gêne, surtout après plus de vingt-deux ans écoulés. Est-ce une erreur de la part du duc d’Orléans, ou le billet n’a-t-il été signé qu’après minuit, — ce qui ferait alors exacte cette date du 31 ou bien encore — chose possible à la rigueur — n’a-t-il été signé que le 31 au soir ? Notre avis, à nous, est qu’il a été signé le 31 au matin, entre une et deux heures de la nuit.
Et voici pourquoi c’est notre avis : c’est qu’à une heure du matin, M. Laffitte n’était pas encore prévenu de l’arrivée du duc d’Orléans.
Aussi, les salons de l’illustre banquier, abandonnés peu à peu par ceux qu’inquiétaient ce mutisme et cette absence du duc d’Orléans, présentaient-ils un vide toujours croissant qui n’avait rien de rassurant.
À deux heures du matin, en effet, il ne restait dans le salon que Laffitte et Benjainin Constant. — Béranger, écrasé de fatigue, venait de se retirer.
— Eh bien, dit Laffitte avec son calme ordinaire, que dites-vous de la situation, Constant ?
— Moi ? répondit en riant l’auteur d’Adolphe. Je dis, mon cher Laffitte, qu’il y a cent à parier contre un que, demain à pareille heure, nous serons pendus.
Laffitte fit un mouvement.
— Ah ! je comprends cela, vous n’êtes pas fou de la pendaison, vous cela dérangerait votre petite figure rose, vos cheveux si bien peignés, votre cravate si bien mise ; mais, moi, avec ma longue figure jaune, je n’ai pas mal l’air déjà d’un pendu, et la corde ajouterait peu de chose à la physionomie.