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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 6.djvu/284

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

vons point parlé de cette conquête-là : moins Chateaubriand et Fitz-James, elle ne valait pas la peine d’être enregistrée, et Chateaubriand et Fitz-James donnèrent, on le sait, leur démission ; — il avait conquis la chambre des députés ; quatre-vingt-onze signatures la représentèrent, du moins.

Il lui restait à conquérir l’hôtel de ville.

Oh ! l’hôtel de ville, c’était autre chose ! L’hôtel de ville, ce n’est point le palais souillé par les orgies du Directoire ou les proscriptions de 1815 : ce n’est point la fabrique où ont été forgés par l’ambition et la cupidité les dévouements à tous les pouvoirs qui se sont succédé depuis un demi-siècle.

Non ; l’hôtel de ville, c’est la forteresse où se réfugie, à chaque émeute, cette grande déesse populaire qu’on appelle la Révolution. — Cette fois encore, la Révolution était là.

Le pouvoir avait pu venir au duc d’Orléans ; mais, pour que ce pouvoir fût consacré, il fallait que le duc d’Orléans vint à la Révolution.

La Révolution était représentée par un vieillard au cœur droit, à l’âme honnête, mais affaibli par l’âge. Quarante ans auparavant, dans toute la force de sa jeunesse, il avait déjà manqué à cette même Révolution : trouverait-on en lui, à soixante et dix ans, ce qu’on y avait cherché vainement à trente ?

Oui, peut-être, s’il eût été seul et livré à ses propres inspirations ; car il avait, depuis ses premiers dévouements à la royauté, beaucoup réfléchi, beaucoup souffert ; il se rappelait la prison, il se rappelait l’exil ; son nom avait été prononcé dans toutes les conspirations républicaines, à Béfort, à Saumur, et nous dirons plus tard à quelles circonstances singulières il dut de ne pas être proscrit avec Dermoncourt, ou de ne pas être exécuté comme Berton.

Mais il n’était déjà plus à lui. Un parti — le parti orléaniste — l’avait enveloppé, entouré, circonvenu ; c’était un véritable siège dont les travaux étaient habilement dirigés par Laffitte et conduits par Carbonnel.

De là venait ce mot si expressif de Bonnetier : « Vos diables de républicains nous ont donné bien du mal ! »