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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 6.djvu/304

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NOTES

» Les partisans de la royauté faisaient valoir les inconvénients d’un gouvernement provisoire, et la crainte de l’anarchie ; ceux de la constitution répondaient que, dans l’état du pays, et ils en donnaient Paris pour preuve, l’anarchie n’était pas à redouter ; ils ajoutaient qu’il fallait mettre les institutions publiques en accord avec la situation nouvelle, et ne pas s’exposer à une continuation de lutte avec la royauté, ce qui, disaient-ils, aurait pour résultat inévitable une seconde révolution et l’anarchie même qu’on voulait prévenir. Les premiers répliquaient qu’il n’y avait point de situation nouvelle ; qu’il pouvait être question, au plus, de changer la personne du prince ; les seconds, que le peuple avait fait plus qu’une révolution de palais, et qu’il importait à la royauté même, dans l’intérêt de sa stabilité, d’être reconstituée sur d’autres bases, et de recevoir la sanction du pays.

» Le parti Laffitte et la Fayette passa tout entier du côté de ceux qui voulaient une royauté immédiate, et leur assura une majorité considérable. Il agit même sur la commission municipale. M. de Schonen, un de ses membres, immédiatement après l’acceptation par le duc d’Orléans de la lieutenance générale, avait demandé que la commission se démît de ses pouvoirs. J’avais représenté que l’autorité nouvelle était déjà engagée dans de mauvaises voies, ce que nous savions tous, et qu’en retardant notre démission de quelques jours, nous parviendrions peut-être à l’éclairer. Sur mes représentations, la discussion avait été ajournée ; mais, le lendemain, sur les instances secrètes du général la Fayette, et en mon absence, elle avait été reprise et là démission envoyée. On n’y trouvera pas ma signature. Au surplus, c’est moi qui avais tort. On avait voulu simplement débarrasser le nouveau pouvoir d’une coexistence qui pouvait le gêner ; mais il nous convenait à tous de lui laisser la responsabilité de ses actes. Quant à la question de primauté entre l’établissement d’une constitution où celui d’un roi, on sait qu’elle fut résolue par une révision de la Charte en vingt-quatre heures.

» La commission n’a existé comme gouvernement que pendant cinq jours, et, si l’on veut se reporter aux circonstances et à ses actes, on verra qu’elle les a bien remplis. Elle fut priée par le lieutenant général d’organiser la ville de Paris, ce qu’elle fit, et ce qui continua quinze jours de plus son existence devenue fort étroite. Son œuvre finie, elle se retira. Si elle ne s’est pas occupée plus activement de la grande question politique, c’est, comme je l’ai déjà dit, parce que chacun de ses membres appartenait à la réunion des députés, et y portait son opinion et ses votes.

» Dans ces divers événements, il avait été tenu fort peu de compte