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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 6.djvu/310

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NOTES

» Reprenons la troisième infirmation où je viens de l’interrompre.

« M. Charras, » poursuit M. Mauguin, « était, à cette époque, un jeune homme fort peu connu et n’ayant aucune influence. Je ne me rappelle ni l’avoir vu ni lui avoir parlé à l’hôtel de ville. Dans tous les cas, s’il m’eût tenu le langage qu’on lui prête, ou je l’aurais fait arrêter, ou je me serais éloigné de lui sans daigner lui répondre. »

première réponse à la troisième infirmation.

« La garde nationale de Saint-Quentin demandait deux élèves de l’École polytechnique pour la commander ; elle avait envoyé, en conséquence, une députation à la Fayette, et lui avait, en même temps, fait passer l’avis qu’il serait facile d’enlever le régiment caserné à la Fère. La Fayette mande auprès de lui deux élèves de l’École, et les envoie à la commission municipale. Ils arrivent accompagnés de M. Odilon Barrot. Seul, M. Mauguin se promenait dans la salle. Instruit de l’objet de leur visite, il prit une plume, et commença une proclamation qui s’adressait au régiment de la Fère. Mais M. Odilon Barrot interrompit son collègue par ces mots : Laissez-leur faire cela ; ils s’y entendent mieux que nous ! M. Mauguin céda la plume à l’un des deux jeunes gens.

» La proclamation faite, le général Lobau se présente ; on la lui donne à signer, il refuse et sort. Il ne veut rien signer, dit alors M. Mauguin ; tout à l’heure encore, il refusait sa signature à un ordre concernant l’enlèvement d’un dépôt de poudres. — Il recule donc ? répondit un des élèves de l’École polytechnique ; mais rien n’est plus dangereux, en révolution, que les hommes qui reculentJe vais le faire fusiller ! — Y pensez-vous ! répliqua vivement M. Mauguin, faire fusiller le général Lobau ! un membre du gouvernement provisoire ! — Lui-même, reprit le jeune homme en conduisant le député à la fenêtre et en lui montrant une centaine d’hommes qui avaient combattu à la caserne de Babylone, et je dirais à ces braves gens de fusiller le bon Dieu, qu’ils le feraient ! » — M. Maugin se mit à sourire, et signa la proclamation en silence. »

(Louis Blanc, Histoire de dix ans.)