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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 6.djvu/74

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

n’y a pas ici, par hasard, quelque portrait du comte de Strafford[1]

Le roi sourit et passa.

Nous avons su, depuis, tous ces détails ; mais, alors, ils étaient tenus dans un profond secret.

Deux ou trois hommes seulement furent prévenus. Ainsi, Casimir Périer, profondément dévoué, à cette époque, comme M. Dupin, comme M. Barrot et comme tant d’autres, aux Bourbons de la branche aînée, — nous le verrons bien, d’ailleurs, tout à l’heure, dans un instant, quand va éclater la révolution de juillet, et qu’il fera tout ce qu’il pourra pour s’opposer au mouvement ; — Casimir Périer, en train de dîner à sa maison de campagne, au bois de Boulogne, reçut une petite lettre pliée triangulairement. Il l’ouvrit, la lut, et, pâle, plus que pâle, livide, il laissa tomber ses bras avec désespoir.

On lui annonçait — qui ? nul n’en a jamais rien su, — que les ordonnances seraient signées le jour même.

Dans la nuit du 25 au 26, M. de Rothschild, qui jouait à la hausse, reçut ce simple petit mot de M. de Talleyrand :

« J’arrive de Saint-Cloud ; jouez à la baisse. »

Mais, moi qui n’étais pas M. Casimir Périer, moi qui n’étais pas M. de Rothschild, moi qui n’étais pas l’ami de M. de Talleyrand, moi qui ne jouais ni à la hausse ni à la baisse, je ne savais absolument rien de ce qui se passait, et j’allais partir pour Alger.

Alger, en effet, devait être une chose splendide à voir dans les premiers jours de la conquête.

J’avais retenu ma place à la malle-poste de Marseille ; j’avais fait mes malles ; j’avais changé trois mille francs d’argent pour trois mille francs d’or ; je partais le lundi 26, à cinq heures du soir, quand, le lundi matin, à huit heures, Achille Comte entra dans ma chambre en disant :

  1. Voir cette scène, admirablement décrite par Louis Blanc dans son Histoire de dix ans.