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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 6.djvu/80

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

signataire de la capitulation de Paris dit des signataires des ordonnances.

— Pardieu ! reprit Étienne, il dit qu’ils viennent de défaire, aujourd’hui 26 juillet 1830, ce qu’il avait fait, lui, le 30 mars 1814.

Nous continuâmes notre route ; mais ce n’était pas chose facile que de se frayer un chemin au milieu de tant d’illustrations, à qui l’on devait au moins une excuse par bourrade.

Aussi le duc était-il déjà loin de François Arago quand nous arrivâmes près de celui-ci.

— Tu quittes Marmont, demanda Étienne ; que dit-il ?

— Il est furieux ! Il dit que ce sont des gens qui se perdent et il ne craint qu’une chose, c’est d’être obligé de tirer l’épée pour eux.

— Bon ! fis-je, il ne lui manquerait plus que cela pour se populariser !

— Et toi, que dis-tu ? demanda Étienne à son frère.

— Moi, je dis que je ne parlerai pas.

Cuvier passait ; il s’arrêta à ces mots, qu’il avait saisis à la volée.

— Comment ! vous ne parlerez pas ? s’écria-t-il.

— Non, répondit Arago.

— Et tu auras bien raison ! dit Étienne.

— Voyons, mon cher, venez donc par ici, et causons raisonnablement, dit Cuvier.

Et il entraîna François Arago loin de nous.

De l’endroit où nous étions, nous pouvions juger, par la vivacité des gestes, de l’animation des paroles. M. Villemain venait de joindre les deux interlocuteurs, et paraissait avoir pris Cuvier à partie. Plusieurs autres académiciens que je ne connaissais pas de visage, et peut-être pas même de nom, entouraient Arago, et semblaient, au contraire de M. Villemain, insister, comme Cuvier, pour qu’il parlât.

Au bout d’un quart d’heure, il était décidé qu’Arago parlerait. Du reste, la décision avait, si l’on peut dire cela, été prise à la majorité des voix, et il avait été impossible à l’illustre astronome de résister à ce désir de la plupart de ses