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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 6.djvu/90

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

— Briser nos presses, n’est-ce pas ? interrompit Baude. Eh bien, moi, en vertu du Code, antérieur et supérieur à vos ordonnances, je vous somme de les respecter !

Et Baude étendit vers le commissaire de police un Code tout grand ouvert à l’article Effraction.

L’arme était terrible, plus effrayante, certes, qu’un pistolet ou une épée ; mais les ordres qu’avait reçus le commissaire étaient précis.

— Monsieur, dit-il, il faut que je fasse mon devoir.

Et, se tournant vers un homme qui l’accompagnait :

— Qu’on aille me chercher un serrurier, ajoutait-il.

— C’est bien, dit Baude, je l’attends !

Un murmure courut parmi le peuple. On commençait à comprendre qu’il se préparait là, en pleine rue, en face de la foule, sous le regard de Dieu, un des plus grands spectacles qu’il soit donné à l’œil humain de voir s’accomplir : la résistance de la loi à l’arbitraire, de l’individu à la masse, de la conscience à la tyrannie.

Aucun des spectateurs n’avait dit à Baude : « Comptez sur moi ! » mais il était évident que Baude avait déjà senti qu’il pouvait compter sur tous.

Le serrurier arriva ; suivant l’ordre du commissaire, il s’apprêta à franchir le seuil de la porte de la rue, pour aller ouvrir avec ses instruments les portes de l’imprimerie.

— Mon ami, lui dit Baude en l’arrêtant doucement par le bras, vous ne savez peut-être pas ce que vous risquez en obéissant à M. le commissaire de police ? Vous risquez tout simplement les galères.

Et il lut à haute voix les lignes suivantes :

« Sera puni de la peine des travaux forcés à temps tout individu coupable ou complice de vol commis à l’aide d’effraction extérieure, ou d’escalade, ou de fausses clefs, dans une maison, appartement, chambre ou logement habités, ou servant à l’habitation, pu leurs dépendances, soit en prenant le titre d’un fonctionnaire public, ou d’un officier civil