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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 6.djvu/92

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

— Je commence à croire, en effet, répondit Baude avec ironie, que force lui restera.

— Oh ! je m’entends, dit l’officier de police. — Appelez un autre serrurier.

Un homme noir se détacha comme la première fois, et, comme la première fois, ramena un serrurier portant un trousseau de crochets à sa ceinture.

Les applaudissements qui avaient accompagné la retraite de l’autre se changèrent tout doucement en murmures, et saluèrent l’apparition de celui-ci.

Le serrurier eut peur.

En traversant la foule, il glissa son trousseau de crochets dans la main d’un des spectateurs qui le fit passer à son voisin, lequel s’en débarrassa de la même façon.

Quand il eut atteint la porte, l’ordre déjà donné à son confrère lui fut renouvelé.

— Monsieur le commissaire, dit le serrurier montrant alors sa ceinture vide, la chose est impossible : on m’a volé mes crochets.

— Tu mens ! dit le commissaire, et je vais te faire arrêter !

En effet, la main d’un agent s’étendait déjà vers le serrurier ; mais la foule s’ouvrit devant lui, l’enveloppa de ses replis, l’entraîna dans son tourbillon.

Il disparut comme dévoré !

On requit le serrurier chargé de river les fers des forçats.

Puis, comme la résistance commençait à prendre un caractère de gravité sombre et menaçant, on fit évacuer la rue avec l’aide des gendarmes.

La foule se retira par la place Louvois, par l’arcade Colbert et par la rue de Ménars, en hurlant :

— Vive la Charte !

Les hommes montaient sur les bornes, agitaient leur chapeau, et criaient à Baude :

— Comptez sur nous… Vous avez nos adresses… nous déposerons… Au revoir ! au revoir !

Un renfort de gendarmerie que l’on vit arriver du côté du Palais-Royal acheva de faire évacuer la rue. Mais n’im-